Arseni Tarkovski. Paul Klee
Paul Klee
Il a vécu et été l’artiste Paul Klee
Quelque part derrière les monts, au-dessus des près.
Il était assis seul dans l’allée
Avec ses crayons de couleur,
Il dessinait des carrés et des crochets,
L’Afrique, un enfant sur un quai,
Un diablotin en chemise bleue,
Des étoiles et des bêtes féroces sur l’horizon.
Il ne voulait pas que ses dessins
Soient la carte d’identité de la nature,
Où s’alignent au doigt et à l’œil
Les gens, les chevaux, les villes et les eaux.
Il voulait que les lignes et les taches,
Comme des sauterelles dans les carillons de juillet,
Parlent ensemble et se comprennent.
Et un matin, sur un carton
Parurent une aile et une nuque :
L’ange de la mort se manifesta.
Klee comprit que le temps était venu
De prendre congé de la Muse et de ses amis.
Klee prit congé et mourut.
Rien ne peut être plus triste.
Si Klee avait été un peu plus méchant,
L’ange de la mort eût été plus naturel.
Alors tous ensemble avec l’artiste
Nous eussions disparu du monde,
L’ange eût éparpillé nos os.
Mais dites-moi à quoi cela nous eût-il servi ?
Au cimetière, c’est pire qu’au musée,
Où les vivants flânent parfois,
Et les tableaux de Klee sont suspendus,
Bleus, jaunes, extravagants…
1957
Original : ПАУЛЬ КЛЕЕ.pdf