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August Strindberg. L’Exposition d’Edward Munch

Strindberg, Edward Munch, jalousie
Jalousie, 1895

L’Exposition d’Edward Munch

 

Quelque incompréhensibles que soient vos paroles, elles ont des charmes.

Balzac, Séraphita.

 

Edward Munch, trente-deux ans, le peintre ésotérique de l’amour, de la jalousie, de la mort et de la tristesse, a souvent été l’objet des malentendus prémédités du critique-bourreau, qui fait son métier impersonnellement et à tant par tête comme le bourreau.

Il est arrivé à Paris pour se faire comprendre des initiés, sans peur de mourir du ridicule qui tue les lâches et les débiles et rehausse l’éclat du bouclier des vaillants comme un rayon de soleil.

Quelqu’un a dit qu’il fallait faire de la musique sur les toiles de Munch pour les bien expliquer. Cela se peut, mais en attendant le compositeur je ferai le boniment sur ce quelques tableaux qui rappellent les visions de Swedenborg dans les Délices de la sagesse sur l’Amour conjugal et les Voluptés de la folie sur l’Amour scortatoire.

Baiser. — La fusion de deux êtres, dont le moindre, à forme de carpe, paraît prêt à engloutir le plus grand, d’après l’habitude de la vermine, des microbes, des vampires et des femmes.

Un autre : L’homme qui donne, donnant l’illusion que la femme rende. L’homme sollicitant la grâce de donner son âme, son sang, sa liberté, son repos, son salut, en échange de quoi ? En échange du bonheur de donner son âme, son sang, sa liberté, son repos, son salut.

Cheveux rouges. — Pluie d’or qui tombe sur le malheureux à genoux devant son pire moi implorant la grâce d’être achevé à coups d’épingle. Cordes dorées qui lient à la terre et aux souffrances. Pluie de sang versée en torrent sur l’insensé qui cherche le malheur, le divin malheur d’être aimé, c'est-à-dire d’aimer.

Jalousie. — Jalousie, saint sentiment de propreté d’âme, qui abhorre de se mêler avec un autre du même sexe par l’intermédiaire d’une autre. Jalousie, égoïsme légitime, issu de l’instinct de conservation du moi et de ma race.

Le jaloux dit au rival : Va-t’en, défectueux ; tu vas te chauffer aux feux que j’ai allumés ; tu respireras mon haleine de sa bouche ; tu t’imbiberas de mon sang et tu resteras mon serf puisque c’est mon esprit qui te régira par cette femme devenue ton maître.

Conception. — Immaculée ou non, revient au même ; l’auréole rouge ou or couronne l’accomplissement de l’acte, la seule raison d’être de cet être sans existence autonome.

Cri. — Cri d’épouvante devant la nature rougissant de colère et qui se prépare à parler pour la tempête et le tonnerre aux petits étourdis s’imaginant être dieux sans en avoir l’air.

Crépuscule. — Le Soleil s’éteint, la nuit tombe, et le crépuscule transforme les mortels en spectres et cadavres, au moment où ils vont à la maison s’envelopper sous le linceul du lit et s’abandonner au sommeil. Cette mort apparente qui reconstitue la vie, cette faculté de souffrir originaire du ciel ou de l’enfer.

Trimurti de la femme.

 

Strindberg, Edward Munch

Une autre.

 

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Le rivage. — La vague a brisé les troncs, mais les racines, les souterraines revivent, rampantes dans le sable aride pour s’abreuver à la source éternelle de la mer-mère ! Et la lune se lève, comme le point sur l’i accomplissant la tristesse et la désolation infinie.

Vénus sortie de l’onde et Adonis descendu des montagnes et des villages. Ils font semblant d’observer la mer de peur de se noyer dans un regard qui va perdre leur moi et les confondre dans une étreinte, de sorte que Vénus devient un peu Adonis et Adonis un peu de Vénus.

August Strindberg

 

La Revue blanche, Tome 10, Janv.-Juin 1896, p. 525-526.

 

 

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Le Baiser, 1892

 

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Le Cri, 1893

 

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Madonna, (1994-1895)

 

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Soirée sur l’avenue Karl Johan, 1892

 

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Vampire, 1895

 

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Le Mystère d'une nuit d'été, 1892

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