Ingmar Bergman. Portrait de l'artiste en enfant
Ingmar Bergman à 12 ans
Je suis très attiré par mon enfance, j’en suis presque obnubilé. Ce sont des images, des impressions qui sont claires et qui ont une odeur. Parfois, je peux parcourir les paysages de mon enfance, les chambres que j’ai habitées, les meubles, les tableaux au mur, la lumière. C’est comme un film, des bouts de films et je mets en route le projecteur. Je peux tout reconstruire.
Beaucoup d’artistes ressemblent à de grands enfants. Prenez Picasso par exemple, il a un visage d’enfant ; Churchill, c’est pareil, Stravinsky, Orson Welles, Hindemith aussi. On pourrait aussi citer Mozart. Certes, on ne connaît pas exactement son visage, mais d’après les tableaux, on peut dire que c’est un grand enfant, et le visage de Beethoven est celui d’un poupon en colère.
Je suis conscient de cela, quand j’entre sur le plateau, ou que j’ai une caméra entre les mains et des techniciens autour de moi. Je me dis alors : « Tiens, nous allons commencer un jeu. » Je me rappelle exactement comment, quand j’étais petit, je retirais mes jouets du coffre, un par un, avant de jouer. C’est à peu près la même impression sur le plateau. Il y a une certaine analogie. Seulement, voilà, pour une raison inexplicable, aujourd’hui, quelqu’un me paie pour organiser le jeu, certaines personnes me respectent, elles suivent mes instructions, ce qui ne manque pas de m’étonner de temps en temps !
Le Cinéma selon Bergman, « Entretiens recueillis par S ; Björkman, T. Manns, J. Sima », Seghers, Paris, 1973, p.105.