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Ingmar Bergman. Une anecdote juive

ingmar bergman

Est-ce que je peux raconter une histoire ? Elle est longue, mais enrichissante. C’est une histoire de juifs.

Un juif va trouver son rabbin et lui dit : « Oh ! je n’en peux plus, je suis pauvre, je ne peux pas nourrir ma famille deux fois par jour, je ne sais pas comment nous allons nous en sortir, j’ai plusieurs enfants à la maison, il y a la vieille tante, le grand-père maternel et le grand-père paternel, dites-moi ce que je dois faire ? » Et le rabbin réfléchit, puis lui répond : « Tu sais ce que tu vas faire, tu vas accueillir les deux enfants du voisin dans ta famille, et reviens me voir dans une semaine. » Le juif retourne chez lui, plutôt triste, il prend les deux enfants du voisin, et huit jours après, il retourne chez le rabbin : « Oh ! la la, moi je ne m’en sors plus, maintenant voilà que j’ai les deux enfants du voisin, plus mes oncles et tantes, et ma femme qui n’arrête pas de pleurer, qu’est-ce que je vais devenir ? » Et le rabbin répond : « Eh bien, maintenant tu vas accueillir les deux grands-mères de l’autre voisin ! » Le juif sort, désespéré, il accueille les deux grand-mères, et retourne chez le rabbin une semaine après : «  Oh ! non, je ne peux plus vivre comme ça, si ça continue je vais me pendre. Aujourd’hui, je dois nourrir la grand-mère maternelle et la grand-mère paternelle, les deux enfants du voisin, mes parents, mes enfants et ma femme qui n’arrête pas de pleurer, que faire ? » Le rabbin réfléchit et dit : « Tu vas prendre les quatre chèvres du troisième voisin et tu vas les mener brouter sur ton pré ! » Le juif s’en va en larmes. Une semaine après, il revient, une corde à la main : « C’est décidé, maintenant je vais me pendre, j’ai les quatre chèvres du troisième voisin, j’ai les deux grand-mères du deuxième voisin, les deux enfants du premier, j’ai mes parents, et ma femme qui pleure toute la journée ! » Le rabbin réfléchit longuement et dit : « Bien, maintenant tu vas renvoyer les deux enfants chez leurs parents, tu vas rendre les quatre chèvres à leur propriétaire et raccompagner les deux grand-mères dans leur famille, ensuite, tu rentreras chez toi. Reviens me voir dans une semaine ! » Et une semaine après, le juif vient trouver le rabbin et lui dit : « Oh ! c’est formidable, nous n’avons jamais été aussi heureux à la maison, tout va bien et ma femme ne pleure plus ! »

C’est à peu près la même chose que de diriger le Théâtre national Dramaten pendant trois ans. Cette épreuve traversée, aucun problème ne peut véritablement m’effrayer. Le théâtre national, c’était vraiment coriace, il est difficile de s’imaginer pis ! Il fallait penser à tout !

 

Le Cinéma selon Bergman, « Entretiens recueillis par S ; Björkman, T. Manns, J. Sima », Seghers, Paris, 1973, p.83-84.

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