Arseni Tarkovski. Enfant, je tombai malade
Enfant, je tombai malade
A cause de la faim et de la peur. De mes lèvres
J’arracherai la croûte – et je lécherai mes lèvres; je retins
Le goût frais et quelque peu salé.
Et je marche encore, et je marche encore, je marche,
Je suis assis sur l’escalier de l’entrée, je me chauffe,
Je marche dans le délire comme sous un mirliton
On suit un charmeur de rats dans la rivière, je m’assiérai – je me chauffe
Sur l’escalier ; et je frissonne de fièvre quoi que je fasse.
Et ma mère, debout, me fait signe de venir, comme si
Elle n’était pas loin, mais il est impossible de s’approcher :
À peine je m’approcherai – debout, à sept pas de moi,
Elle me fait signe ; je m’approcherai – debout,
A sept pas de moi, elle me fait signe.
J’eus chaud
Soudain ; je déboutonnai mon col, me couchai, –
Les trompettes sonnèrent, la lumière frappa
Sur les paupières, le cheval partit au galop, ma mère
Survole la chaussée, me fait signe de venir –
Et partit dans les airs…
Et maintenant je vois en rêve
Un hôpital blanc sous les pommiers,
Et un drap blanc sous la gorge,
Et un docteur blanc me regarde,
Et blanche, à mes pieds, l'infirmière est debout
Et remue les ailes. Et ils restèrent.
Et ma mère vint, me fit signe de venir –
Et partit dans les airs…
1966
Original : ici