Juan Filloy. Nous voulons des poèmes assassins
Traduction d'un poème de Juan Filloy, extrait du recueil Usaland, publié en 1973 à Río Cuarto, Argentine.
WE WANT ASSASSIN POEMS
Nous voulons des poèmes assassins
Les hiatus soucieux remplacent
la féconde vibration d’autrefois.
Le poète continue à se taire dérapant
par des glissements sémantiques
jusqu’à la stérilité.
Le poème – arbuste qui croît
avec la sève des mots nourriciers –
a son âme sèche.
Il n’y a pas de pollen pour l’abeille amie
ni de fruit pour les intrus de toujours.
Les livres ornent sa solitude,
le mutisme blinde le silence.
Quel terrible destin
maintenant que l’on a besoin
de poèmes qui éclatent et qui tuent,
des poèmes qui prédisent sur les décombres
une nouvelle humanité !
Dans sa clôture totale
le poète croise les bras
ferme les yeux
et sourit… sourit…
ce qui est sa façon de pleurer.
Original : ici