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Ingmar Bergman. Metteur en scène et solitude

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Réponse de Bergman à « Bergmanorama », l’article où Jean-Luc Godard écrit : « Eh bien, non ! Le cinéma n’est pas un métier. C’est un art. Ce n’est pas une équipe. On est toujours seul : sur le plateau comme devant la page blanche. Et pour Bergman, être seul, c’est poser des questions. Et faire des films, c’est y répondre. On ne saurait être plus classiquement romantique. »

 

Vous ne devez pas oublier que j’ai toujours vécu dans le milieu du théâtre, et le théâtre est toujours – même s’il peut paraître un monde fermé – une communauté. Lorsqu’on monte une pièce, on se sent, au plus haut point, partie intégrante de cette communauté. Au théâtre, les comédiens ne sont jamais soumis au bon vouloir des metteurs en scène. Au contraire, au théâtre, ils peuvent s’opposer, refuser, se révolter d’une manière très efficace. Ces dernières années, nous avons vu comment plusieurs jeunes metteurs en scène se sont fait littéralement broyer par des comédiens mécontents.

Non, la solitude, je l’ai ressentie sous d’autres formes, mais jamais sur le plan professionnel. Je connais un grand chef d’orchestre qui parlait justement une fois de la solitude qu’il éprouvait devant l’orchestre. Ça ne s’est jamais présenté pour moi, que ce soit au théâtre ou sur le plateau avec les acteurs et les techniciens. Par contre, je sais, je suis conscient du fait, que nous essayons de dissimuler certaines antipathies personnelles inévitables. Comment ? Eh bien, en utilisant un certain langage, un argot du métier, en observant scrupuleusement certaines règles rituelles du théâtre. C’est un fait, et il serait absurde de le nier ou de le cacher. Le groupe, le collectif éprouve une forte agressivité vis-à-vis du contremaître, et c’est quelquefois réciproque. Si l’on fait partie d’une communauté très concentrée, de vingt-cinq personnes environ, on ne se rend jamais compte si l’un marche sur les pieds de l’autre, ou si untel n’aime pas son voisin, on n’entend jamais de mots désagréables, on ne voit jamais de visages renfrognés, on n’entend jamais d’insolences, jamais une voix qui s’élève. Pourquoi ? Parce que tous savent qu’ils dépendent les uns des autres, qu’ils doivent travailler ensemble pendant un certain temps, qu’ils doivent être gentils, aimables, qu’il fasse 50 degrés de chaleur sur le plateau, ou que tout le monde soit épuisé de fatigue.

Non, je n’ai jamais ressenti cette forme de solitude. Dans la vie privée, oui, et c’est justement pourquoi je suis toujours retourné au groupe, à la communauté, même si elle n’est qu’illusoire.

 

Le Cinéma selon Bergman, « Entretiens recueillis par S ; Björkman, T. Manns, J. Sima », Seghers, Paris, 1973, p. 81-82.

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