Akira Kurosawa. Lettre à Ingmar Bergman
Cher M. Bergman,
Laissez-moi s'il vous plaît vous féliciter pour votre soixante-dixième anniversaire.
Votre travail touche profondément mon cœur à chaque fois que je le vois et j’ai beaucoup appris de vos œuvres et elles m’ont encouragé. J’aimerais que vous restiez en bonne santé pour créer encore de merveilleux films pour nous.
Au Japon, il y avait un grand artiste du nom de Tessai Tomioka, qui vécut durant l’ère Meiji (à la fin du XIXe siècle). Cette artiste peignit beaucoup de toiles superbes alors qu’il était encore jeune, et quand il atteignit sa quatre-vingtième année, il se mit soudainement à peindre des toiles bien supérieures aux autres, comme s’il avait vécu un épanouissement magnifique. À chaque fois que je vois ses peintures, je réalise pleinement qu’un être humain n’est pas vraiment capable de créer des œuvres vraiment bonnes avant d’atteindre quatre-vingts ans.
Une personne naît bébé, devient un enfant, traverse sa jeunesse, la fleur de l’âge et redevient finalement un bébé avant de terminer sa vie. C’est selon moi la façon de vivre la plus idéale.
Je pense que vous serez d’accord pour dire qu’une personne devient capable de produire des œuvres pures, sans aucune restriction, durant les jours de sa seconde petite enfance.
J’ai maintenant soixante-dix-sept ans et je suis convaincu que mon œuvre véritable commence à peine.
Résistons ensemble pour le cinéma.
Mes sincères amitiés,
Akira Kurosawa
Original (cliquer pour agrandir) :