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02/02/2013

Andreï Tarkovski. Discours sur l’Apocalypse

Traduction d’une intervention d’Andreï Tarkovski à Londres, en 1984, à l’occasion d’une rétrospective de ses films.

tarkovski, Apocalypse, Saint-Jean, Dostoïevski, spiritualité, Nicolas Berdiaev, amour, sacrifice, bonheur


Je ne suis pas vraiment habitué aux discours comme celui que je m’apprête à prononcer, aux discours dans un tel lieu : une église. Je suis un peu intimidé du fait de mes conceptions séculières. Mais dans la mesure où je n’ai pas l’intention de faire un exposé spécial, mais simplement de tenter de réfléchir sur ce que signifie l’Apocalypse pour moi, en tant qu’artiste, je pense que cela résout en quelque sorte le problème et explique pourquoi je m’apprête à prononcer ce discours ici.

Le fait même de ma participation à ce festival contient, de mon point de vue, un caractère tout à fait apocalyptique. D’ailleurs, si on m’avait dit il y a quelques mois que cela serait possible, je ne l’aurais pas cru. Cependant, ces derniers temps, ma vie elle-même a pris une tournure quelque peu apocalyptique, par conséquent, cette démarche est tout à fait naturelle et logique.

Il est possible que l’Apocalypse soit la plus grande œuvre poétique créée sur terre. C’est un phénomène qui dans son essence exprime toutes les lois établies pour l’homme par en haut. Nous savons que depuis très longtemps ont lieu des discussions sur les variantes de tel ou tel passage de la Révélation de Saint Jean. C’est-à-dire, si l’on s’exprime de manière triviale, nous sommes habitués à ce que la révélation soit commentée, à ce qu’on l’interprète. C’est justement ce que, de mon point de vue, il ne convient pas de faire, parce qu’il est impossible d’interpréter l’Apocalypse. Parce que dans l’Apocalypse, il n’y a pas de symbole. C’est une image. Or, s’il est possible d’interpréter un symbole, ce n’est pas le cas d’une image. On peut déchiffrer un symbole, ou plutôt en extraire un certain sens, une certaine formule, alors que nous sommes incapables de comprendre une image, bien qu’on puisse la sentir et la recevoir. En effet, elle contient une infinité de possibilités d’interprétation. C’est comme si elle exprimait une infinité de liens avec le monde, avec l’absolu, avec l’infini. L’Apocalypse est le dernier chaînon de cette chaîne, de ce livre – le dernier chaînon, qui achève l’épopée humaine, au sens spirituel du mot.

Nous vivons une période très dure, et les difficultés la rendent plus dure encore chaque année. Pourtant, en connaissant un peu l’histoire, on peut se rappeler que ce n’est pas la première fois que la venue des temps apocalyptiques est évoquée. Il est dit : « Heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques s'ils en retiennent le contenu, car le Temps est proche ! »[i] Pourtant, le caractère conventionnel du temps est tellement évident que nous ne pouvons pas déterminer avec précision quand commencera ce que Jean a écrit. Cela peut arriver demain, cela peut arriver dans un millénaire. C’est là que se trouve le sens de cet état spirituel de l’homme qui doit éprouver un sentiment de responsabilité devant sa propre vie. Il est impossible de se représenter le surgissement de la Révélation une fois notre temps écoulé. C’est pourquoi il ne faut tirer aucune conclusion du texte de l’Apocalypse sur le temps en tant que tel.

Vous avez sans doute remarqué que l’Apocalypse contient un grand nombre de dates et de chiffres précis. Le nombre de victimes et le nombre de justes sont énumérés. Mais de mon point de vue, cela ne veut absolument rien dire, il s’agit plutôt d’un système imagé que l’on perçoit émotionnellement. Les chiffres et certains moments précis sont importants pour la sensation du destin humain, la connaissance du futur. Je vais m’expliquer avec un exemple. Depuis mon enfance, j’aime beaucoup le livre Robinson Crusoé – l’énumération de tout ce qui avait échoué sur la rive et qui formait le butin de Crusoé m’a toujours terriblement plu et excité. Nous vivons de manière matérialiste en nous répétant l’existence de l’espace et du temps. C’est-à-dire que nous vivons grâce à la présence de ce phénomène, ou de ces deux phénomènes, et nous sommes très sensibles vis-à-vis d’eux, parce qu’ils limitent nos cadres physiques. Mais il est vrai, comme chacun sait, que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et donc possède une volonté libre, une capacité à la création. Ces derniers temps – pas simplement ces derniers temps, mais depuis un long moment – nous nous posons souvent la question de savoir si la création n’est pas liée au péché. Pourquoi une telle question surgit-elle si nous savons parfaitement que la création nous rappelle que nous sommes créés, que nous avons un Père ? Pourquoi surgit une question aussi, je dirais, sacrilège ? Parce que la crise culturelle du siècle dernier a permis à l’artiste de se passer de toute conception spirituelle, la création devenant une sorte d’instinct. Nous savons bien que certains animaux possèdent aussi un sens esthétique, et qu’ils peuvent créer quelque chose d’achevé dans le sens formel, naturel. On pourrait parler des rayons que les abeilles créent pour y mettre du miel. L’artiste a commencé à considérer le talent qui lui a été donné comme sa propriété, c’est de là qu’est venu le droit de penser que le talent ne l’oblige à rien. C’est ainsi que s’explique cette absence de spiritualité qui règne sur l’art contemporain. L’art se transforme soit en recherches formelles, soit en marchandise destinée à être vendue. Il est inutile de vous expliquer que le cinématographe se trouve au sommet de cette situation : on sait bien qu’il est né à la fin du siècle dernier dans une foire et dans un but purement lucratif.

J’étais il y a peu au musée du Vatican. Il y avait un nombre immense de salles consacrées à la peinture religieuse contemporaine. Il faut voir cela, bien sûr, car c’est horrible. Je ne comprends pas pourquoi ces – pardonnez-moi – œuvres sont disposées sur les murs d’un tel musée. Comment cela peut-il satisfaire les personnes religieuses et en particulier l’administration de l’Église catholique. C’est tout simplement étonnant.

Sur la crise actuelle. Nous vivons dans un monde faux. L’homme est né libre et intrépide. Mais notre histoire tient dans le désir de se cacher et de se défendre contre la nature, qui nous oblige de plus en plus à nous serrer les uns contre les autres. Nous nous fréquentons non pas parce que cela nous plaît, non pas pour recevoir du plaisir de nos relations, mais pour que ce ne soit pas si effrayant. Cette civilisation est fausse si nos relations sont construites sur un tel principe. Toute la technologie, le soi-disant progrès technique, qui accompagne l’histoire, crée en réalité des prothèses – il allonge nos mains, aiguise notre vue, nous permet de nos déplacer très rapidement. Et cela a une signification fondamentale. Nous nous déplaçons aujourd’hui bien plus vite qu’au siècle précédent. Mais nous n’en sommes pas devenus plus heureux. Notre personnalité[ii] est rentrée en conflit avec la société. Nous ne nous développons pas harmonieusement, notre développement spirituel est tellement arriéré que nous nous retrouvons victimes de l’effet d’avalanche du développement technologique. Nous ne pouvons pas remonter à la surface de ce courant, nous ne le pourrions pas même si nous le voulions. En conséquence, quand est apparue chez les hommes l’exigence d’une nouvelle énergie pour de développement technologique, quand ils ont trouvé cette énergie, ils n’étaient moralement pas prêts à l’utiliser pour leur bien. Nous sommes comme des sauvages qui ne savent pas quoi faire d’un microscope électronique. Peut-être vont-ils s’en servir pour planter des clous, détruire des murs ? En tout cas, il devient clair que nous sommes des esclaves de ce système, de cette machine qu’il est déjà impossible d’arrêter.

Ensuite, du point de vue du développement historique, nous nous sommes mis à ne plus nous croire les uns les autres, ne plus croire que nous pouvions nous aider les uns les autres (bien que tout soit fait pour que nous survivions ensemble), à tel point que nous-mêmes, chacun d’entre nous personnellement, ne participons pas véritablement à la vie sociale. La personnalité n’a aucune signification. C’est-à-dire, en résumé, nous perdons ce qui nous avait été donné tout au début, la liberté du choix, la liberté de la volonté. Voilà pourquoi je considère notre civilisation comme étant fausse. Le philosophe et historien russe Nicolas Berdiaev a remarqué avec beaucoup de finesse qu’il existe deux étapes dans l’histoire de la civilisation. La première, c’est l’histoire de la culture, quand le développement de l’homme est plus ou moins harmonique et fondé sur un socle spirituel ; et la seconde a lieu quand commence la réaction en chaîne, non soumise à la volonté de l’homme, quand la dynamique n’est plus sous contrôle, quand la société perd la culture.

Qu’est-ce que l’Apocalypse ? Comme je l’ai déjà dit, de mon point de vue, c’est une image de l’âme humaine avec sa responsabilité et ses devoirs. Chaque homme éprouve ce qui s’est révélé être le thème de la Révélation de Saint-Jean. C’est-à-dire qu’il ne peut pas ne pas l’éprouver. Et en fin de compte, c’est précisément la raison pour laquelle nous pouvons dire que la mort et la souffrance sont intrinsèquement équivalentes, si la personnalité souffre et meurt, ou si le cycle de l’histoire se termine, alors des millions meurent et souffrent aussi. Parce que l’homme n’est capable de supporter que la barrière douloureuse à laquelle il peut accéder

Sur notre conformisme. Dans la Révélation de Jean, il est dit : « Je connais ta conduite : tu n'es ni froid ni chaud !  Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. »[iii] C’est-à-dire, l’apathie, l’indifférence est mise au même niveau que le péché, que le crime devant le Créateur. D’un autre côté : « Ceux que j'aime, je les semonce et les corrige. Allons ! Un peu d'ardeur, et repens-toi ! »[iv] En somme, cette sensation de l’homme qui se repent, c’est, en règle général, le début du chemin. De telles sensations sont ressenties par des gens différents, de manière différente, et à des époques différentes. Dostoïevski, par exemple. Il existe une version selon laquelle c’est un écrivain religieux, orthodoxe, qui a parlé de ses recherches et des propriétés de sa foi. Il me semble que ce n’est pas tout à fait le cas. Dostoïevski n’a pu faire ses grandes découvertes que parce qu’il était le premier à éprouver et exprimer les problèmes de l’absence de spiritualité. Ses héros souffrent de leur incapacité à croire. Ils veulent croire, mais ils ont perdu cet organe par lequel on croit. La conscience s’est atrophiée. Et avec les années, Dostoïevski est devenu, dans une certaine mesure, de plus en plus compréhensible, et même à la mode. Cela est dû précisément au fait que ce problème s’étend de plus en plus. Parce que le plus dur est de croire. Parce qu’espérer la grâce est généralement impossible. Bien sûr, heureux est l’homme qui a connu cet état. Mais peu peuvent s’en vanter. Pour se sentir libre et heureux, c’est l’intrépidité qui importe.

Par une sorte de procédé magique, tous ces problèmes se trouvent dans l’Apocalypse. L’Apocalypse, c’est, en fin de compte, le récit du destin.  Du destin de l’homme, dans lequel le moi personnel et la société sont indissociables. Quand la nature sauve une espèce de l’extinction, les animaux ne ressentent pas le drame de l’existence. Dans la mesure où l’homme choisit lui-même sa voie grâce à sa volonté, il ne peut pas sauver tout le monde, il peut se sauver seulement lui-même. Et c’est précisément pour cela qu’il peut sauver les autres. Nous ne savons pas ce qu’est l’amour, nous nous traitons nous-mêmes avec un mépris monstrueux. Nous comprenons faussement ce que c’est que s’aimer soi-même, nous sommes mêmes gênés par cette idée. Parce que nous pensons que s’aimer soi-même veut dire être égoïste. C’est une erreur. Parce que l’amour, c’est un sacrifice. L’homme ne le ressent pas – on peut le remarquer avec du recul, en position de tiers… Et bien évidemment vous savez qu’il est dit : aimez votre prochain comme vous-même. C’est-à-dire que s’aimer soi-même est comme le fondement du sentiment, le critérium. Et pas seulement parce que l’homme a pleine conscience de lui-même et du sens de sa vie, mais aussi parce qu’il faut toujours commencer par soi.

Je ne veux pas dire que j’ai réussi dans ce dont je vous parle actuellement. Et naturellement, je suis loin de pouvoir prétendre être un exemple à suivre. Au contraire, je pense que tous mes malheurs viennent justement de ce que je ne suis pas mes propres conseils. Le malheur réside dans le fait que les circonstances sont claires, ainsi que le résultat vers lequel nous conduit notre point de vue erroné sur les choses. Mais il serait faux de penser que l’Apocalypse ne contient qu’une conception du châtiment. Peut-être que ce qu’elle renferme d’important, c’est l’espoir. Et ce, bien que le temps soit proche, — pour chacun d’entre nous pris séparément, il est vraiment très proche, — mais pour tous ensemble, il n’est jamais trop tard. L’Apocalypse est effrayante pour chacun pris séparément, mais pour tous ensemble, elle contient un espoir. Et c’est en cela que réside le sens de la Révélation. En fin de compte, c’est cette dialectique, exprimée de manière imagée, qui se révèle pour l’artiste un commencement si inspirant que l’on s’étonne malgré nous qu’on puisse trouver en lui autant de points d’appui, quel que soit l’état de notre âme.

En ce qui concerne la ruine de l’espace et du temps, leur passage dans un nouvel état, on trouve des mots admirables. En ce qui concerne la disparition de l’espace : « et les astres du ciel s'abattirent sur la terre comme les figues avortées que laissent tomber un figuier tordu par la tempête,et le ciel disparut comme un livre qu'on roule, et les monts et les îles s'arrachèrent de leur place »[v] Le ciel qui disparaît comme un livre qu’on roule. Je n’ai rien lu de plus beau. Et regardons ce qui s’est passé après que le septième sceau a été rompu. Que peut dire n’importe quel artiste sur le procédé d’expression ? Comment peut-on exprimer non pas seulement cette tension, mais ce seuil ? « Et lorsque l'Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure... »[vi]  Comme le disait mon ami : ici les mots sont superflus. Le septième sceau est rompu ; et que se passe-t-il ? Rien. Le silence s’installe. C’est incroyable ! Cette absence d’image se révèle dans ce cas l’image la plus forte que l’on puisse imaginer. C’est une sorte de miracle !

Il existe un livre dans lequel l’auteur, Castaneda, a écrit une histoire de journaliste, c’est-à-dire son histoire sur ses études chez un sorcier mexicain. C’est un livre passionnant. Mais là n’est même pas la question. La légende est apparue qu’il n’y avait aucun sorcier, qu’il ne s’agissait absolument pas de notes d’un journal et que Castaneda avait tout inventé, y compris le procédé de son propre enseignement, par lequel il voulait changer le monde, y compris le sorcier et sa méthode. Mais cela ne simplifie en rien le fond du problème, au contraire, cela le complexifie. Si tout a été inventé par un seul homme, c’est plus miraculeux encore que si tout avait réellement existé. En somme, ma pensée me conduit à affirmer que l’image artistique, en fin de compte, se révèle toujours un miracle.

Voici encore un extrait issu du chapitre 10. À propos du temps, il est dit d’une manière très belle : « Alors l'Ange que j'avais vu, debout sur la mer et la terre, leva la main droite au cielet jura par Celui qui vit dans les siècles des siècles, qui créa le ciel et tout ce qu'il contient, la terre et tout ce qu'elle contient, la mer et tout ce qu'elle contient, qu’il n’y aurait plus de temps. »[vii] Cela ressemble à une promesse, à un espoir. Et néanmoins, cela reste un secret. Parce que dans l’Apocalypse il y a un passage qui semble vraiment bizarre du point de vue de la Révélation. « Quand les sept tonnerres eurent parlé, j'allais écrire mais j'entendis du ciel une voix me dire : "Tiens secrètes les paroles des sept tonnerres et ne les écris pas." »[viii] Ne serait-il pas intéressant de savoir ce que Jean nous a caché ? Et pourquoi a-t-il dit qu’il avait caché quelque chose ? À quoi bon cet intermède bizarre, cette remarque ? Ces péripéties des relations réciproques de l’Ange et de l’apôtre Jean ? Qu’est-ce que l’homme ne doit pas savoir ? Le sens de la Révélation consiste justement à ce que l’homme sache. Peut-être la notion même de connaissance nous rend-elle malheureux ? Vous vous souvenez : « le savoir augmente la douleur »[ix] ? Pourquoi ? Ou fallait-il nous cacher notre destin ? Un certain moment de notre destin ? Par exemple, je ne pourrais absolument pas vivre si j’avais le don de prédiction sur ma propre vie. C’est-à-dire que la vie perd vraisemblablement tout son sens si je sais comment elle se termine. Je veux parler bien sûr de mon destin personnel. Dans ce détail, il y a une noblesse incroyable, absolument inhumaine, devant laquelle l’homme se sent un petit enfant, à la fois sans défense et protégé. Cela permet à notre savoir d’être incomplet, de ne pas profaner l’infini, de laisser un espoir. Dans l’ignorance de l’homme, il y a un espoir. L’ignorance est noble. Le savoir est vulgaire. C’est pourquoi cette préoccupation exprimée dans l’Apocalypse a davantage tendance à me donner espoir qu’à m’effrayer.

Et maintenant, je me pose une question : que dois-je faire si j’ai lu la Révélation ? Il est tout à fait clair que je ne peux plus être le même qu’avant, non pas simplement parce que j’ai changé, mais parce qu’il m’a été dit : sachant ce que j’ai appris, je suis obligé de changer.

En relation avec tout cela, je commence à penser que l’art avec lequel je travaille n’est possible que s’il ne me représente pas moi-même, mais accumule en lui ce que je peux saisir en fréquentant des gens. L’art devient coupable dès que je commence à l’utiliser pour mes propres intérêts. Et le plus important est que j’arrête de me trouver intéressant. Peut-être est-ce ainsi que commence l’amour de soi-même

Je voudrais remercier ceux qui m’ont invité à cette rencontre, bien qu’en réalité je ne comptais rien vous apprendre de nouveau. Je voulais – et j’ai obtenu ce que je voulais, - en réfléchissant de la sorte en votre présence, ressentir l’importance de ce moment et de ce processus. Vous m’avez donné la possibilité d’arriver à certaines conclusions et de revenir sur quelques pensées, parce que penser à cela dans la solitude est impossible. Et, alors que je me prépare à réaliser mon nouveau film, que je me prépare à faire un nouveau pas dans cette direction, il est tout à fait clair pour moi que je dois le considérer non pas comme de l’art libre, mais comme un acte, comme un acte forcé, quand le travail ne peut plus apporter de satisfaction, quand il se révèle une tâche difficile, voire même un devoir accablant. En vérité, je n’ai jamais compris qu’un artiste puisse être heureux dans son processus de création. À moins que le mot ne soit pas adéquat. Heureux ? Non, jamais. L’homme ne vit pas pour être heureux. Il y a des choses bien plus importantes que le bonheur.

Merci beaucoup.

Londres, 1984.



Le texte en russe a été publié pour la première fois dans le journal Iskusstvo kino, 1989, n°2.
Traduction : Fabien Rothey

Original : ici ou Андрей Тарковский. Слово об Апокалипсисе - ru.pdf



[i] ApocalypsedeSaint-Jean,  1, 3.

[ii] Tarkovski répète ensuite le mot personnalité en français. NdT.

[iii] Ap. 3, 15–16.

[iv] Ap. 3, 19.

[v] Ap. 6, 13-14.

[vi] Ap. 8, 1.

[vii] Ap. 10, 5-6.

[viii] Ap. 10, 4.

[ix] Ecclésiaste, 1, 18. NdT.

Commentaires

Je reste attentive à vos écrits. Merci

Écrit par : Franci Camus | 03/02/2013

Bonjour,
D'abord merci pour la traduction de ce discours essentiel.
Je cherche une traduction également de ce discours de Tarkovski:
http://tarkovskiy.su/texty/Tarkovskiy/London01.html
Savez vous si je peux la trouver quelque part?
Merci de m'aider.

Cordialement,
Arno

Écrit par : Arno Bouchard | 02/03/2013

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