Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/12/2012

Interview d’Alekseï Balabanov, décembre 2012

Interview d’Alekseï Balabanov paru dans Moskovski Komsomolets n°26115 du 11 décembre 2012

Sur son dernier film « Je veux aussi », le réalisme fantastique, et la jeunesse mafieuse de Staline, le sujet de son prochain film.

Traduction Fabien Rothey

balabanov, interview, entretien, réalisme fantastique, Staline

photo : Mikhael Kovalev



—  Alekseï Oktiabrinovitch, la première de votre dernier film a eu lieu à Venise dans le cadre du programme Orizzonti. Ça s’est bien passé ?

À la fin du film, les gens se sont levés et ont applaudi pendant cinq minutes. Une femme est venue vers moi pour m’indiquer qu’il fallait que je me lève. Je me suis levé, j’ai salué, et il y a eu une nouvelle vague d’ovations.

 

Vos films se distinguent toujours par des dialogues et des titres frappants. D’où vient le titre de ce film ?

Vous savez bien qu’au cinéma tout le monde dit : « Je veux aussi ». Cest de là que vient le titre.


Et d’où vient le clocher du bonheur ?

Sasha Simonov et moi sommes tombés par hasard sur ce lac gelé et ce clocher penché abandonné. J’ai tout de suite pensé : comme c’est beau ! Et j’ai imaginé un film.

 

Le clocher est vraiment fantastique. Comme l’église sans toit ni sol. Comment l’avez-vous trouvée ?

On est parti en voiture, on a cherché, on a trouvé. Ça sappelle la préproduction.

 

— Alisa Chitikova, qui joue le rôle de Lioubov dans le film, a couru toute nue quelques kilomètres dans le froid…

Oui, c’était du vrai sadisme de ma part… Alisa est très fine, elle s’est abîmé les pieds. Elle est aussi tombée gravement malade. Mais en définitive, elle était contente ; vous pouvez lui poser la question.

 

— Saviez-vous dès le départ que le rôle du quasi-prophète serait joué par votre fils ?

L’idée du personnage est venue d’emblée, mais je n’étais pas sûr de le faire jouer par mon fils. Pourtant il s’est avéré très en phase avec le rôle. Il a tout dit normalement, il n’a rien surjoué.

 

— Sans parler des héros principaux, il y a même dans les petits rôles des gens que vous connaissez, comme le critique de cinéma Cholokhov ou la réalisatrice Avdotya Smirnova. C’était important pour vous de réunir tous vos amis proches ?

Ce sont des connaissances, et même des gens que je connais depuis longtemps. Mais je ne dirais pas qu’ils sont mes amis proches. Je me sens beaucoup plus proche des bandits.

 

— Dans le film, vous racontez une histoire de lac noir et de bottes blanches et vous ajoutez « J’ai alors compris comment je mourrai ».

C’est une histoire vraie. Tout y est vrai. En réalité, il y a aussi une chose inventée, puis deux, puis tout. C’est un genre : le réalisme fantastique. Quand tout est absolument réel, mais que l’histoire est fantastique.

 

— Votre intervention en tant qu’acteur est-elle liée à une volonté de donner au film la forme d’une déclaration personnelle ?

Je veux que tout soit authentique. Que les gens y croient. C’est pourquoi j’ai pensé : pourquoi ne pas jouer moi-même ? Et j’ai joué. Sania a joué le rôle de celui qu’il était plus jeune, bien qu’il y ait longtemps qu’il n’est plus un bandit, mais un homme d’affaires en Finlande. De même Yourka n’est absolument pas alcoolique, il a arrêté de boire à 28 ans. Mais ils connaissent le système et le fondement, et il est important pour moi que les gens sachent qui est en train de jouer.

 

— Vous pensez en ce moment à un nouveau film sur la jeunesse de bandit de Staline ?

J’ai été à Tbilissi, et j’y ai vu la nature. Sacha Simonov a trouvé tout un tas d’informations. Des journaux du début du siècle qui décrivent ces braquages. Aujourd’hui, il m’a raconté une histoire très intéressante : comment le gouverneur de la province, après un énième braquage monstrueux – les bandits avaient volé 250 mille roubles dans une banque – est allé au cimetière où se trouve la tombe de ses parents et s’est suicidé. Cela n’est marqué nulle part, c’est-à-dire que personne ne le sait. Pour l’instant, on récolte des informations. Ensuite j’écrirai le scénario et je le réaliserai.

 

— Staline en tant que bandit a volé et tué ?

Il faisait réellement partie du crime organisé[i] ; il n’est pas prouvé qu’il a participé personnellement à des braquages. Mais le contraire n’est pas prouvé non plus. C’est pourquoi je peux choisir ma version pour le film. Mais s’il avait tué quelqu’un, il aurait eu raison.

 

balabanov, interview, entretien, réalisme fantastique, Staline

 


[i] vor v zakone, organisation criminelle qui s’est créée en URSS au début des années trente et qui se caractérise par des codes stricts. Dans le cas de Staline, Balabanov emploie ce terme dans le sens plus large d’organisation criminelle. NdT

Écrit par Fabien Rothey dans Balabanov, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balabanov, interview, entretien, réalisme fantastique, staline | |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! | | |

Les commentaires sont fermés.