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07/12/2014

Lav Diaz. Serafin Geronimo: The Criminal Of Barrio Concepcion (1998)

lav diaz, Serafin Geronimo


Serafin Geronimo: Ang Kriminal Ng Baryo Concepcion

 

Avouons-le d’emblée, ce premier long-métrage de Lav Diaz est loin de valoir les chefs d’œuvre qui suivront. Dans une adaptation très libre de Crime et châtiment, Serafin Geronimo est poussé à participer à un enlèvement d’enfant pour venir en aide à sa femme malade. Il pèche, mais contre sa nature simple et pleine de bonté. Cet élément typique du mélodrame ne l’éloigne pas seulement du roman de Dostoïevski en le rapprochant du kitsch hugolien, il l’oppose aussi à l’excellent Norte, the end of history que Lav Diaz réalisera une quinzaine d’années plus tard.

Serafin Geronimo permet avant tout d’identifier et d’illustrer la tentation du romantisme dans la filmographie du réalisateur philippin. Il est possible qu’on puisse la déceler dans tous ses films, mais jamais à ce niveau de grossièreté, bien plutôt comme la trace d’une motivation, les motifs étant creusés et sublimés, le beau et le sublime déformés par le Mal, la lâcheté, ou évacués par la dépossession angoissante de la sainteté, dont se détourne même l’identification romantique la plus juvénile, pourtant prompte à tous les escamotages : un travail d’écriture jusqu’à la disparation du manichéisme et de l’agréable émotion de l’indignation pharisienne, fût-elle progressiste, c’est-à-dire jusqu’à la dissolution du romantisme initial.

La confession et la rédemption de Serafin sont sans surprise, et sans tension. Le conflit moral symbolisé par son infection dentaire a beau susciter répulsion et malaise, il n’est qu’illustratif. Il diffère en ceci de l’usage ambigu qu’ont pu en faire Russell Banks et Paul Schrader dans Affliction.  

Cependant, un détail, une dizaine de minutes avant la fin du film, lui confère une profondeur soudaine. Après un déchaînement de violence, Serafin fuit dans une contrée reculée avec sa femme et l’enfant enlevé, il refait sa vie grâce à l’aide généreuse d’un couple de paysans. Ces derniers leur diront que leur présence est bénéfique à la culture du riz. On peut certes considérer ce détail comme l’illustration de la persistance d’un mode de pensée païen, un des nombreux cas similaires relevés un peu partout sur la planète dans Le Rameau d’or, mais on peut aussi sans doute y voir une allusion au verset de l’évangile selon saint Jean : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jean, XII, 24). C’est-à-dire également une allusion à l’épitaphe des Frères Karamazov. C’est sur la mort d’un être innocent que s’édifie la tension morale ultime : le prêche final d’Aliocha aux enfants sur la tombe de l’un d’entre eux, la confession de Serafin et sa restitution de l’enfant kidnappée après la mort de sa femme. Le film acquiert in extremis une dimension anthropologique et religieuse profonde.

Écrit par Fabien Rothey dans Cinéma, Diaz Lav | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lav diaz, cinéma philippin | |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! | | |

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