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07/04/2013

Eyes Wide Shut. Le Spectateur comme objet du film 1/3

 Eyes Wide Shut, Stanley Kubrick

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Un Peu de Sexe

La réception du dernier film de Kubrick a ceci d’intéressant que le consommateur béotien de productions hollywoodiennes comme les universitaires et les critiques de cinéma les plus éclairés s’accordent pour considérer que le sujet du film tourne autour du désir, du sexe, de l’infidélité, et du couple. Ils s’excitent à qui mieux mieux sur le désir féminin trouble d’Alice (Nicole Kidman), sur les transgressions qu’elle fantasme et qu’elle rêve, sur ses remises en cause, feignant de les trouver incroyablement subversives, alors qu’elles pullulaient déjà depuis des décennies dans le moindre magazine féminin. L’aura de Kubrick leur sert à valider leurs représentations libertaires et naïves de la sexualité, à donner de la valeur à leurs petits problèmes de couple. Et à la toute fin, quand Bill s’interroge sur ce qu’ils devraient faire, et qu’Alice répond baiser, ils n’en peuvent plus, ce mot d’adolescent vient résoudre pour eux, avec une modernité stupéfiante, tous les problèmes soulevés par le film. Ils sont contents. Kubrick est décidément un réalisateur infiniment subtil.

Il est amusant de lire leurs tentatives d’intellectualisation. Karen D. Hoffman, par exemple, se pose toute une série de questions philosophiques : « comment le désir sexuel est-il lié à l’amour et à la vie conjugale ? Les attractions érotiques sont-elles toujours soumises à notre contrôle ? Peut-on éprouver un désir si puissant qu’on ne peut y résister ? Si un tel désir existe, qu’est-ce que cela implique pour la vie conjugale ? Le choix des époux de rester fidèle est-il réaliste ? Dans le cas où la fidélité est possible, est-elle simplement le résultat de l’échec à éprouver du désir pour d’autres personnes ? »[i] Voici à peu près comment se formule toute la problématique du film pour nos critiques aux yeux grands fermés.

Et en plus, comble de joie, Kubrick, pour son film testament, a décidé de mettre un terme à ses fins trop noires et trop déprimantes. En effet, selon eux, puisqu’il s’achève sur une invitation à baiser (fuck), le film se termine bien. « À la fin, le film trouve un juste milieu entre les contraintes institutionnelles de la vie conjugale et les désirs brutes de la sexualité. Même si on peut se trouver inexplicablement sous l’effet de désirs puissants – comme le désir qu’Alice a éprouvé pour l’officier de marine – le film de Kubrick suggère que le mariage peut survivre à la présence de tels désirs, à condition que leur existence soit avouée. À la fin du film, Alice conclut que ce n’est pas la présence de forts désirs sexuels pour d’autres personnes qui menace leur mariage, mais plutôt le fait de masquer ces désirs. »[ii] Autrement dit, Kubrick se situerait au même niveau qu’un psychanalyste de comptoir.

Un autre voudra faire d’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma un ensoutané du kitsch : « Au dénouement de Eyes Wide Shut, Bill confesse ses sordides activités des 24 dernières heures à Alice, ce qui est la seule façon de sauver leur mariage. Il se rachète par la confession de ses pêchés à sa femme et par l’imploration de son pardon, un acte clairement empreint d’une signification spirituelle. Eyes Wide Shut traite essentiellement de ce qui arrive quand la confiance entre un mari et sa femme est menacée, et ce que coûte de la restaurer quand elle est mise à mal. Il est encourageant de penser que le film testament de Kubrick se conclut sur une note d’espoir et de réconciliation ;  la dernière séquence compte parmi les scènes les plus touchantes qu’il n’ait jamais réalisées. C’est d’autant plus impressionnant quand on pense que les films de Kubrick qui se terminent bien sont rares. »[iii]

Mais en général, ce qui fait le succès du film, c’est que son prétendu happy end, somme toute un peu conformiste, n’empêche pas de prendre les poses de la libération : « Nul besoin de réduire le sexe conjugal à “faire l’amour avec douceur”. Le type de rencontre physique que les deux personnages auraient pu avoir avec une ou plusieurs autres personnes peut être partagé entre eux. La terminologie d’Alice suggère donc que la vie conjugale n’est pas incompatible avec une expression sexuelle totale. »[iv] « Eyes Wide Shut nous montre que le désir que les époux ont l’un pour l’autre peut être fortifié par leur attraction vers d’autres personnes. […] Peut-être que Kubrick suggère que l’intensité des relations sexuelles dans la vie conjugale est partiellement liée à la possibilité de l’infidélité, et si on veut garder le désir sexuel à l’intérieur du mariage, on ne peut pas éliminer la possibilité de désirs sexuels transcendant le mariage. »[v]

Inutile de préciser que ces critiques se gardent bien de s’attarder sur ce qui constitue le cœur du film : la soirée masquée et le soupçon de meurtre rituel. En général, ils se tirent de cette difficulté en reléguant cette partie au statut de rêve. Pourtant on voit mal comment ce rêve pourrait se prolonger chez Ziegler (Sydney Pollack) : sa tentative de persuader Bill (Tom Cruise) que la mort de la fille n’a rien à voir avec sa condamnation à mort de la veille n’a vraiment plus rien d’onirique. Elle est longue et fastidieuse. Et puis on pourrait rajouter qu’on voit mal aussi ce que vient faire la très nette allusion à la prostitution pédophile dans le magasin où Bill va louer son costume. Il est vrai qu’il serait difficile de relier ce genre de scène aux réflexions nombrilistes de petits-bourgeois sur la tension entre le désir incontrôlable et la fidélité. Plus de dix ans après la sortie du film, on se rend compte que son véritable sujet n’est pas contenu en lui : ce dont Kubrick nous parle, c’est de notre aveuglement de spectateur. Il aura suffi d’un peu de sexe pour nous faire oublier un meurtre. Il aura suffi de terminer le film sur fuck pour que, tout émoustillé, on se mette à produire des réflexions au ras des pâquerettes, ravi de pouvoir ainsi montrer, tel un préadolescent, que l’on n’est pas naïf, que l’on connaît bien le sexe, et donner un semblant de profondeur à notre vie médiocre.

 

Pouvoir, réseau et satanisme

Comme le remarque Tim Kreider dans un article d’une grande intelligence, Kubrick, dès l’ouverture du film, prévient le spectateur doté d’un minimum de sens de finesse qu’il ne va pas nous parler de sexe. « Il se moque de tout suspens lascif au tout premier plan du film ; sans prélude, Nicole Kidman, dos à la camera, fait tomber sa robe par terre, se tenant debout devant nous, prosaïquement nue, avant que l’écran passe au noir comme une porte de peep-show qui se ferme. (On peut presque entendre la voix du réalisateur avec son accent du Bronx nous dire : « Vous êtes venu voir une star se dénuder. Voilà. C’est bon, le show est terminé. Est-ce qu’on peut redevenir sérieux maintenant ?). Le titre du film apparaît alors comme une réprimande, nous indiquant que l’on ne voit pas vraiment ce que l’on est en train de regarder, le sujet d’Eyes Wide Shut ne sera pas le sexe. »[vi]

Comme beaucoup de critiques[vii] s’en sont plaints à la sortir du film, la scène de l’orgie n’a rien de vraiment excitant. Elle ne saurait illustrer un monde d’interdits et de tentations. Les femmes paraissent belles, mais elles sont semblables à des pantins interchangeables, et rien n’indique que Bill les trouve fascinantes, ni même désirables, au contraire il erre de salle en salle, sans s’arrêter, comme si rien ne retenait vraiment son attention. Il ne s’agit donc pas de l’illustration de ses fantasmes, mais d’une réunion secrète, et on devinera le lendemain grâce à Ziegler que des personnes des plus hautes sphères du pouvoir y participaient[viii]. De plus, il ne s’agit pas d’une simple orgie, mais d’une réunion satanique. En effet, elle s’ouvre sur un rituel dont le fond sonore provient d’une liturgie roumaine orthodoxe jouée en sens inverse. Une espèce de prêtre s’active au centre d’un cercle de femmes qui semblent obéir comme sous hypnose à ses gesticulations. Certains y voient même une séance de contrôle de l’esprit de type opération monarch.[ix] Ces femmes auraient alors subi des traumas pour que soit créé en elles plusieurs personnalités, dont celle de la prostituée. Le rituel du début aurait donc pour fonction de les conditionner. C’est peut-être pousser l’interprétation trop loin, mais cela n’est pas  pour autant absurde, car il patent qu’elles se comportent comme des esclaves sexuelles sans la moindre lueur de conscience, comme des zombies.

Ce qui se joue dans cette longue scène au centre du film n’a rien à voir avec le désir de Bill. Rappelons-nous que la tentation de l’infidélité avait déjà été évacuée avec la prostituée, et elle n’avait d’ailleurs abouti à rien, comme si Kubrick ne voulait plus nous laisser aucune ambiguïté sur le fait que l’on passait à tout à fait autre chose que ces sempiternelles histoires de corps, de désir et de couple. La scène de la réunion secrète a trait au pouvoir. Elle a lieu dans le château d’un membre de la famille Rothschild[x] et elle réunit des personnes des plus hautes sphères. Ils n’y viennent pas seulement pour se divertir dans la dépravation, mais aussi pour se compromettre les uns les autres. On imagine bien que le sacrifice de la femme, à la fin de la soirée, les unit dans le crime (comme le meurtre de Chatov a pour fonction d’unir indéfectiblement les prétendus révolutionnaires dans Les Démons de Dostoïevski). C’est ce même crime qui poussera Ziegler à tout tenter pour persuader Bill qu’il ne s’est rien passé. Après de tels agissements, les membres de ce groupe sont naturellement conduits à se couvrir les uns les autres. Cette scène, la plus puissante du film, nous laisse entrevoir les dessous obscurs du pouvoir : la prostitution, le conditionnement, le meurtre, auxquels on pourra lier aussi, par la scène connexe du loueur de costumes, la pédophilie[xi]. Il ne s’agit pas de métaphore. Kubrick nous montre un réseau satanique puissant (on comprendra le lendemain à quel point il a le bras long). Il ne s’agit pas d’une petite secte de notaires de province, mais d’une organisation dont il n’est pas absurde de supposer qu’elle dirige une bonne partie du pays. Ce que Bill voit ce soir-là, ce n’est pas le pouvoir et les abus de l’argent, c’est la dépravation et le mal comme structure et pouvoir d’une élite.

Si Bill avait simplement surpris une orgie bizarre, on comprendrait mal pourquoi il serait menacé le lendemain, pourquoi Ziegler dépenserait autant d’énergie à le convaincre que tout va bien. Il aurait suffi de le mettre dehors. Il n’aurait de toute façon pu identifier personne. Il aurait simplement vu des femmes nues et quelques fornications. Si on a d’abord voulu le mettre à mort et qu’on a ensuite tout mis en œuvre pour qu’il se taise, c’est parce que ce dont il a été témoin, qu’il s’en soit rendu compte ou non, est au fondement même de ce réseau occulte. Que ce soit le contrôle des esprits ou les rituels sataniques, il a vu, ou aurait dû voir, un secret d’une importance capitale. Il a été initié par accident.[xii]

 

L’Illusion subtile de l’argent

Bien que la sexualité ait occupé toute l’attention de l’immense majorité des critiques, elle ne constitue pas le cœur d’Eyes Wide Shut. Une analyse beaucoup plus subtile que les enfilages de banalités sur le couple ou le sexe consiste à décortiquer le rôle de l’argent dans le film.

On remarque par exemple que différents types de lien sont tissés entre Alice et la prostitution :
- son rêve (celui où elle est prise par beaucoup d’hommes) fait écho à l’activité prostitutionnelle ;

- son prénom est une anagramme orale de Sally, une des prostituées du film ;
- dans le magasin de jouets, à la fin, elle est entourée de tigres en peluche, comme celui allongé sur le lit de Domino.
La première réplique du film est dite par Bill, qui demande à sa femme si elle a vu son porte-monnaie (et elle lui répond qu’il est sur la table de nuit). Non seulement Kubrick lie le sexe à l’argent par l’importance qu’il accorde à la prostitution dans le film, mais il suggère que le mariage aussi est lié à l’argent, dans le sens où il serait une prostitution d’un autre niveau. Et Kubrick ne s’arrête pas là, il sous-entend que ce sous-bassement prostitutionnel du mariage se transmet par l’éducation. Lorsqu’Alice fait faire les devoirs de sa fille, l’exercice consiste à calculer la différence de richesse entre deux garçons. Et quand l’enfant comprend qu’il va falloir faire une soustraction, Alice répond « yes, because you’re going to be taking. Right. »[xiii].

À la suite d’une longue tradition cynique, Kubrick semble réduire le sexe et le mariage à l’argent. En tout cas, il nous indique que l’argent est au-dessus du sexe : soit il le permet, soit il le motive. Le héros principal, Bill (qui veut dire billet anglais), passe son temps à dépenser de l’argent et à en parler (prostitution, location de costume, don d’un billet pour obtenir un renseignement, etc.). Ce docteur gagne très bien sa vie, et l’argent lui permet d’obtenir tout ce qu’il veut. Il lui donne du pouvoir sur sa femme, les prostitués et le reste.

Mais là encore, le dernier film de Kubrick, ne serait pas vraiment profond s’il s’arrêtait là. Ce  type de réflexion sur l’argent est un thème rebattu. Le noyau du film n’est pas là, il est dans la soirée sataniste. C’est là que se trouve le véritable pouvoir ; et ce pouvoir se situe très au-dessus de Bill, et donc de l’argent. Le pouvoir réside dans ce type de réseau secret. C’est en tout cas ce que nous dit Kubrick. Par conséquent, rester sur l’argent, avec d’autant plus de tranquillité qu’il nous a permis de démystifier le sexe, c’est manquer le propos central du film.

 

Suite



[i] “How is sexual desire related to love and to marriage? Are erotic attractions always subject to our control? Might we experience a desire so overwhelming as to be irresistible? What are the implications for marriage if such desires exist? Can spouses realistically choose to remain faithful? To the extent that fidelity is possible, is it merely the accidental result of the failure to experience desire for other people?”
Karen D. Hoffman
, “Where the Rainbow Ends: Eyes Wide Shut”, The Philosophy of Stanley Kubrick, edited by Jerold J. Abrams, The University Press of Kentucky, 2007, p. 64.


[ii] “In the end, the film finds a middle ground between the institutional constraints of marriage and the raw desires of sexuality. Although we may, inexplicably, find ourselves in possession of overwhelming desires—like the desire Alice experienced for the naval officer—Kubrick’s film suggests that marriage can survive the presence of such desires, so long as their existence is acknowledged. At the film’s close, Alice concludes that it is not the presence of strong sexual desires for other people that threatens her marriage but rather the masking of those desires.”
Karen D. Hoffman, Ibid., p. 79.

 

[iii] “At the denouement of Eyes Wide Shut, Bill confesses his sordid activities of the past 24 hours to Alice, as the only possible way of saving their marriage. He redeems himself by confessing his sins to his wife and begging her forgiveness, an act clearly fraught with spiritual meaning. Essentially, Eyes Wide Shut is about what happens when the trust between husband and wife is threatened, and what it takes to restore it when it is damaged. It is heartening to think that Kubrick’s final film concludes on a note of hope and reconciliation; the last sequence ranks among the most touching scenes that he ever directed. This is all the more impressive when one considers that happy endings in Kubrick films are scarce.”
Gene D. Phillips, Rodney Hill, The Encyclopedia of Stanley Kubrick,
Checkmark Books, 2002, p. 106-7.

 

[iv] “Marital sex need not be confined to gentle lovemaking. The kind of physical encounter that either character could have had with any number of other people can be shared with each other. Alice’s terminology, then, suggests that marriage is not inimical to full sexual expression.”
Karen D. Hoffman, Ibid., p. 89.

 

[v] Eyes Wide Shut shows us that the desire spouses have for each other can be strengthened by their attraction to other people. For instance, when Bill and Alice return home from Victor’s Christmas party, their flirtations with others fuel their desire for each other. They are scarcely undressed and have not even made it into bed when they begin to make love. Perhaps Kubrick is suggesting that the intensity of the sexual relationship within marriage is partly tied to the possibility of infidelity, and if one wants to retain sexual desire in marriage, one cannot eliminate the possibility of sexual desires that transcend the marriage.”
Karen D. Hoffman
, Ibid., p. 79.

 

[vi] “He mocks any prurient suspense in the very first shot of this movie; without prelude, Nicole Kidman, her back to the camera, shrugs off her dress and kicks it aside, standing matter-of-factly bare-assed before us for a moment before the screen goes black like a peepshow door sliding shut. (You can almost hear the director's Bronx-accented voice: "You came to see a big-time movie star get naked? Here ya go. All right, show's over. Can we get serious now?) The main title then appears like a rebuke, telling us that we're not really seeing what we're staring at. In other words, Eyes Wide Shut is not going to be about sex.”
Introducing Sociology, A Review of Eyes Wide Shut, by Tim Kreider, Film Quarterly Vol. 53, no. 3
Lire en ligne (en anglais) :
ici

 

[vii] the most pompous orgy in the history of film.” Denby, David. “Last Waltz.” The New Yorker, 26 July 1999, p. 84.

“More ludicrous than provocative” et "more voyeuristic than scary." The ever-perceptive Ms. Kakutani, p. 22.

“Whose idea of an orgy is this”, demande Stephen Hunter, “the Catholic Church's?” That dimwit Hunter, p. C5.

Plus intellectuels, mais tout aussi à côté de la plaque, Les Cahiers du cinéma se débarrassent de cette scène en faisant appel à l’idée de fantasme, et en l’enrobant de considérations philosophiques : « L’image est une projection mentale. L’illustration est en revanche ce qu’il y a de plus contraire à l’imagination. Eyes Wide Shut est l’histoire d’un être singulièrement dépourvu d’imagination, qui espère accéder à un monde d’interdits alors qu’il se soumet à une esthétique dominante, qui influence ses plus profonds fantasmes. »

 

[viii] « Si je te disais leurs noms, et je ne vais pas te dire leurs noms, je ne pense pas que dormirais bien. » La phrase de Ziegler nous indique qu’il s’agit de gens connus, et de gens qui ont du pouvoir (ne serait-ce que celui de l’empêcher de dormir), et donc pas des people du showbiz.


[ix] Au lieu de ricaner bêtement, on se rappellera que Kubrick s’était déjà intéressé aux expériences de contrôle de l’esprit dans Orange Mécanique. Et, sachant qu’il a la réputation de ne laisser aucun détail au hasard, on cessera définitivement nos gloussements de supériorité devant ce qu’on rejette sans examen comme des  « théories du complot » quand on aura remarqué ce troublant poster dans le film The Shining :

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De toute façon, ce n’est pas parce qu’on ne croit pas à ce genre de pratique que le réalisateur n’y croit pas.

 

[x] Pour ceux qui voudraient se servir de cette allusion à Rothschild pour traiter Kubrick d’antisémite, on rappellera que le nom de son équivalent protestant, Rockefeller, est prononcé par une des deux femmes aux bras de Tom Cruise lors de la soirée de Ziegler.

 

[xi] Il est possible que Kubrick n’ait pas intégré la pédophilie à la soirée masquée pour ne pas sembler trop délirant au profane, mais surtout pour laisser la possibilité d’une double lecture du film, permettre au spectateur de fermer les yeux. Cependant, il lie ce magasin et le château par trop d’éléments pour qu’on puisse douter de leur complémentarité. Que l’on pense par exemple à leur système de sécurité (allusion au secret qu’ils ont à protéger).

 

[xii] Pour souligner la dimension initiatique de son film, Kubrick le sature de symboles et de gestes de sociétés secrètes. Il n’est pas facile de savoir ce qu’ils signifient et à quel groupe ils appartiennent. Ils sont souvent partagés par plusieurs groupes, et leurs significations sont loin d’être déterminée avec certitude, comme ces étoiles à cinq branches qui abondent dans la soirée de Il est possible que Kubrick n’ait pas intégré la pédophilie à la soirée masquée pour ne pas sembler trop délirant au profane, mais surtout pour laisser la possibilité d’une double lecture du film, permettre au spectateur de fermer les yeux. Cependant, il lie le magasin et le château par trop d’éléments pour qu’on puisse douter de leur complémentarité. Que l’on pense par exemple à leur système de sécurité (allusion au secret qu’ils ont à protéger).Ziegler et qu’on retrouve jusque dans le magasin de jouet à la fin du film. Examinons-en quelques-uns.

Le film s’ouvre sur Alice dans l’encadrement de colonnes, symbole maçonnique.

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La pyramide avec un œil, présent sur le billet d’un dollar et au sommet de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est un symbole très souvent utilisé par Kubrick. On la trouve par exemple sur le poster d’Orange mécanique.

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Dans Eyes Wide Shut, on remarque ce symbole sur un masque dans la soirée satanique :

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Mais aussi, plus subtilement, dans la disposition des objets, comme ici, où la queue de billard et le bord droit du billard forme une pyramide, au somment de laquelle la boule rouge occupe la place de l’œil :

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Quelques secondes plus tard, Ziegler viendra s’installer au sommet de la pyramide, tandis que Bill reste à sa base.

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Lors de la messe satanique, la disposition corporelle des femmes qui s’embrassent forme une pyramide, où l’espèce de prêtre occupe la place de l’œil.

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Il y aussi ces gestes peu naturels que Tom Cruise fait tout au long du film : la main sur son torse, et la main sur sa joue.

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Mais ce sont surtout les nombreuses fois où il met la main sur son visage qui paraissent bizarres, notamment lors de l’explication chez Ziegler.

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Et il se lève en gardant la main sur sa joue, ce qui, on en conviendra, ne se fait pas tous les jours :

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L’erreur consiste à penser, tout ce fatras est ennuyeux, que ceux qui croient à ces symboles et pratiquent ce genre de gestes sont des crétins ou des illuminés, que tout cela n’est pas sérieux et donc que ça n’a aucune importance. C’est oublier que les réseaux occultes peuvent très bien être remplis d’imbéciles, que leur pouvoir n’est pas dans l’intelligence de leurs membres.

 

[xiii] Au début du film, Alice demande à sa fille : « Helena, are you ready for bed ? »
Puis le lendemain, Helena lit un passage d’un livre devant ses parents : « ...before me when I jump into my bed. » 
Le prénom qui lui a été donné, Helena, connote la beauté : Hélène de Troie (selon la légende, la plus belle femme du monde).
Dans le magasin de jouet, Helena s’intéresse à un landau similaire à celui que l’on voit deux fois à l’entrée de l’appartement de la prostituée Domino.

 

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Écrit par Fabien Rothey dans Cinéma, Kubrick | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : kubrick, ews, critique, analyse, société secrète, pouvoir, sexe | |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! | | |

Commentaires

J'ai lu beaucoup de critiques sur ce film mais celle-ci tranche radicalement avec tout ce qui a été écrit a ce sujet. Le style est même carrément novateur. Pas sur que ça plaise a tout le monde. Que ceux qui aiment la tiédeur passent leur chemin. Pour ma part, je suis conquis par ce travail remarquable et l'analyse alternative qui est proposée sur ce film. On a jamais eu autant l'impression d'approcher la vérité sur le sens de l'œuvre de Kubrick.

Écrit par : Sébastien | 09/04/2013

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