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12/08/2012

L'Initié, Oleg Teptsov, 1989

Посвящённый

cinéma russe

Stefano Luciano, Appunti XI


L’initié est le second et dernier long métrage d’Oleg Teptsov. Alors que Monsieur le décorateur avait acquis le statut d’un film culte, on aurait pu s’attendre à ce que celui-ci, tout aussi brillant du point du vu de son scénario et de son atmosphère, génère ne serait ce qu’un peu d’intérêt critique. Il n’en a rien été, et Teptsov a jeté l’éponge, abandonnant définitivement le cinéma pour se reconvertir dans les affaires. Heureusement, Youri Arabov, le scénariste, a persévéré, collaborant notamment à la plupart des chefs d’œuvres d’Alexandre Sokourov.

Une des premières scènes nous montre la capture d’un renard et sa mise à mort par le feu. Le film s’ouvre donc sur un acte de torture gratuit. Il rappelle la destruction d’une fourmilière par des enfants au début de La Horde sauvage de Peckinpah. La réalité du mal est affirmée d’emblée. Cette mise au point était nécessaire pour éviter que le film tombe dans la facilité bien-pensante. Ce n’est qu’après avoir évacué toute possibilité de recours à une vision kitsch du monde qu’il peut nous présenter sa position morale radicale. Sinon, on l’aurait trop facilement accusé de verser dans l’irénisme.

Un jeune bègue vit dans un appartement communautaire aux accents expressionnistes, en bordure d’un paysage industriel désolé. Il acquiert le don de voir l’avenir des personnes qu’il rencontre, de les juger et de les tuer par la seule force de son esprit. Après avoir abusé de ce pouvoir, il y renoncera. Ce refus de juger est évoqué par le scénariste à partir d’une position religieuse. Le film aurait d’ailleurs dû s’appeler « « L’Ange exterminateur », mais on nous a dit que Buñuel, qu’on ne connaissait pas à l’époque, avait déjà utilisé ce titre. Nous en avons longtemps cherché un autre, et nous sommes tombés d’accord sur « L’Initié ». » (Entretien avec Marina Timacheva,)[i] Un peu plus loin, Arabov déclare : « Concernant le message de ce film, je peux dire que Dieu est lumière, et qu’en Dieu il n’y a pas de châtiment, c’est Satan, au contraire, qui punit. C’est tout. Et je crois en l’idée selon laquelle Dieu est lumière, et qu’il n’y a pas en lui de ténèbres. Et je crois en l’idée selon laquelle Dieu ne juge pas, et en l’idée que c’est Satan qui juge. Sur ce plan, je ne suis pas tout à fait orthodoxe. Je me sens plus proche de la tradition théosophique et de celle de Rosa Mira[ii]. Je suis pratiquant ; même si je me suis relâché ces derniers temps, j’essaie de communier et je prie tous les jours. Mais cette tradition est en rapport avec mon expérience personnelle, et je ne peux pas me représenter Dieu disant : « tu as tort et je te transmets ce virus ». Il y a une sorte de mensonge dans tout ça. Mais je peux concevoir une situation où pour une raison ou une autre on s’éloigne de Dieu et l’on devient vulnérable à l’influence de certaines forces ; oui, cela je peux la concevoir. C’est d’ailleurs de cela que traitent les profondeurs du Maître et Marguerite (un roman devenu très « pop »), de l’idée selon laquelle ce n’est pas Dieu qui juge, mais Woland avec la complaisance divine. Woland, dans les grandes lignes, fait le bien. En tout cas, en tant qu’idée artistique, c’est assez intéressant. »[iii]

Même si on refuse de suivre Arabov dans ses croyances, le film n’en conserve pas moins sa pertinence dans la mesure où sa réalisation a lieu à la fin des années 80, dans une période trouble, abîmée par la guerre, une période où le régime se fissure, les valeurs s’écroulent. Une période de sous-sol, où la culpabilité est partout diffuse (ce que montrera plus tard Balabanov dans un des films les plus noirs du cinéma mondial : Cargaison 200).

 


[i] ''Ангел Истребления'' должен был называться фильм, но сказали, что у Бунюэля, которого мы тогда не видели, есть такая картина. Долго мы искали название, но вот сошлись на ''Посвященном''.

[ii] ŒuvredeDanielAndreïev.

[iii] « Я  могу сказать о месседже этой картины, что  Бог есть свет,  и в Боге нет наказания, а наказывает Сатана. Все. Точка. И  я верю в идею, что  Бог  есть свет,  и  нет в нем никакой тьмы. И  я верю в идею, что Бог  не судит, и я верю в идею, что судит  Сатана. Я в этом плане не совсем   православный человек. Мне  ближе теософская традиция и традиция ''розамировская''. Я  человек воцерковленный, сейчас, правда, разболтался, но стараюсь причащаться и молюсь каждый день.  Но    эта традиция соотносится с моим  личным опытом, а представить себе Бога, который говорит: ''Ты неправ и вот  тебе вирус'' я не могу,  есть какая-то ложь во всем этом. А  представить ситуацию,  при которой от Бога  по  каким-то причинам отдаляешься и становишься уязвимым для каких-то сил -  да,  это можно представить себе. Кстати, глубина ''Мастера и Маргариты'', романа, который стал вполне ''попсовым'', как раз в этом - в идее о том, что судит  не Бог,  а Воланд с божьего попущения. Воланд в романе делает добро, по большому счету.  Во всяком случае, как художественная идея  это достаточно интересно. »

 

Écrit par Fabien Rothey dans Arabov, Cinéma, Teptsov | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! | | |

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