La Place du Saint-Sauveur (01/09/2012)

 Plac Zbawiciela, Krzysztof Krauze, Joanna Kos-Krauze, 2006

Plac Zbawiciela, Krzysztof Krauze, Joanna Kos-Krauze, La Place du Saint-Sauveur, critique, film, analyse, réalisme, polonais

Bartek, Beata et leurs deux enfants plongent dans une situation financière difficile suite à une arnaque immobilière. Ils sont contraints d’aller vivre chez la mère du mari, veuve, indépendante, moderne, et qui ne porte pas beaucoup d’affection à sa belle-fille. Leur nouvelle vie dans la promiscuité gêne tout le monde. Chacun a sa part de responsabilité dans la dégradation des rapports. Si l’attitude de Bartek semble finir par dépasser tout le monde dans le domaine de la lâcheté et l’égoïsme, Beata reprendra le dessus dans l’ignominie par le traitement qu’elle inflige à ses enfants…

Les réalisateurs représentent la désintégration d’un couple et d’une famille dont l’origine est à chercher dans la violence économique. La force du film réside dans son refus de la facilité mélodramatique. Une fois posée la situation occasionnée par le manque d’argent, il n’est fait appel à aucun élément extérieur pour produire du pathétique ou des émotions touchantes. Il n’y pas de gangster comme dans un film précédent de Krzysztof Krauze : La Dette (Dług, 1999). Il n’y a pas de Thénardier. Toute la violence se développe dans les rapports entre le mari, la femme, et la belle-mère.

La Place Saint-Sauveur nous rappelle que le réalisme social n’est jamais aussi pertinent et effrayant que lorsque les causes économiques s’effacent pour laisser place aux effets qu’elles produisent dans les rapports psychologiques. La gêne pervertit l’entente. Elle ne crée pas un malheur qui s’abat sur des personnages innocents. Elle les transforme en coupables. Elle les pousse vers des actions qu’ils n’auraient sans doute pas commises dans d’autres circonstances. Elles déforment leur psychologie jusqu’à les rendre monstrueux. Ou en tout cas, elle participe à cette déformation. Car on ne peut pas affirmer pour autant que Bartek et Beata ne sont que des victimes. Ils ont aussi leur part de responsabilité : ils n’ont pas su résister. Les conditions étaient difficiles, le quotidien extrêmement pénible, mais il n’y avait pas de fatalité. La rédemption finale de Bartek le démontre. Les conditions sociales ne sont pas les seules causes du désastre, l’effondrement des structures morales, ou simplement du sens moral, y participent pareillement. Et comme dans le cas de la Pologne cette morale provient de l’expérience communiste (ou du moins a été conservée par elle), il sera difficile de traiter les réalisateurs de réactionnaires.

Écrit par Fabien Rothey | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : plac zbawiciela, krzysztof krauze, joanna kos-krauze, la place du saint-sauveur, critique, film, analyse, réalisme, polonais | |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! | | |