Mardi, après Noël (26/08/2012)

 Marti, dupa craciun, Radu Muntean, 2010

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« Mardi, après Noël » est un film sur une histoire simple et banale. Un homme (Paul Hanganu) est marié à une femme plutôt jolie, ils ont une petite fille, et depuis quelques mois, il a une maîtresse plus jeune que lui. Il finit par l’avouer à sa femme, qui réagit mal ; la séparation s’installe en quelques instants.

Juste après que Paul avoue sa liaison extraconjugale, sa femme passe de la surprise à la colère, au ressentiment, à l’esprit vengeur, puis à la douleur et à l’effondrement. Cette succession est concentrée en une seule scène pour éviter de s’étendre sur des poncifs. Le réalisateur les ramasse en quelques minutes comme pour nous indiquer que l’intérêt du film n’est pas là. Il n’est pas dans la désintégration d’un couple, encore moins dans son analyse.

Le style de la réalisation, ses longs plans-séquences et son peu de mouvement, connote le réalisme épuré, et l’on pourrait croire que l’essentiel du travail du Radu Muntean a consisté à effacer sa présence. Il ne nous indique pas où l’on doit éprouver des émotions et pour qui l’on doit ressentir de l’empathie. La femme n’est pas une mégère, la maîtresse ne cherche pas à ce qu’il divorce pour elle. Il serait subjectif d’affirmer que l’une est plus belle que l’autre. Il n’y a donc aucun argument de poids à ce qu’il ruine sa vie de famille pour aller vivre avec cette nouvelle femme. Cette absence de fondement provoque principalement deux types de réaction chez le spectateur. La première est romantique. Elle consiste à s’exclamer : « c’est l’amour, c’est le désir ! » Mais Paul, lorsqu’il s’installe dans le studio de sa maîtresse, trahit des expressions de visage bien trop abruties pour qu’on puisse croire à une quelconque passion. On a l’impression qu’il sait déjà qu’il a fait une bêtise. La seconde réaction est moins naïve, et surtout moins enjouée : elle prétend qu’il n’y a pas vraiment d’explication, que c’est « comme ça », « c’est la vie ». Et, pour se donner un peu de crédibilité intellectuelle, on se raccroche alors à ce mot de réalisme, qu’on prend dans son acception la plus pauvre, celle qui consiste à représenter une réalité en évitant les jugements moraux et les techniques du mélodrame. Mais le réalisme n’est pas uniquement un travail négatif ; il ne devient vraiment intéressant que lorsqu’il crée, lorsqu’il suggère ou met en évidence des liens nouveaux.

Plus qu’à Bergman, c’est à Tchekhov que Radu Muntean renvoie, à cette lassitude déchirante qui se dégage de certaines de ses nouvelles (Une Histoire ennuyeuse[i], par exemple). Paul ne semble pouvoir en sortir qu’en adoptant une attitude puérile (que le premier plan séquence du film, où lui et sa maîtresse jouent nus sur un lit, souligne assez nettement). Ce n’est pas la passion qui illumine soudainement sa vie tranquille et un peu terne. Sa relation avec sa maîtresse est bien plus triviale que ça : elle est neuve. Il la désire, il se préoccupe de la voir, parce qu’elle est encore fuyante. Elle n’est liée à lui par aucune obligation, elle ne lui est pas soumise. Ils ne se sont pas encore enfoncés dans l’inévitable routine d’un couple, et encore moins d’une famille. Paul ne sort de la lassitude que pour retomber dans un comportement adolescent, avant de se laisser rattraper par la lassitude. Si Muntean ne le juge pas, il ne le justifie pas non plus. Il semble davantage intéressé par la puissance de cet abrutissement ambiant.    

 



[i] Скучная история

Écrit par Fabien Rothey | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mardi, après noël, radu muntean, analyse, film, critique, couple, adultère, séparation | |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! | | |